Page:Aristote - Traité du ciel, trad Saint-Hilaire, 1866.djvu/239

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croire à cette vieille fable[1] qui prétend que le monde, pour se conserver tel qu’il est, et en dehors de ses lois régulières, a besoin de quelque Atlas. Ceux qui ont jadis imaginé cette idée étrange me semblent avoir eu des conceptions tout aussi fausses que ceux qui, venus plus tard, ont imaginé, non moins fabuleusement, qu’il y avait dans le monde une nécessité intérieure qui lui donnait la vie, de même qu’on l’imagine pour les corps de l’espace supérieure, quand on les suppose pesants et terrestres.

§ 5[2]. Il ne faut pas plus admettre aveuglément ces hypothèses qu’on ne doit admettre que le monde ne se maintient, et ne dure depuis si longtemps, que parce qu’il reçoit, par la rotation qui lui est propre, un mouvement plus rapide que sa tendance à descendre, ainsi que le veut Em-

    page 202 de ma traduction ; et livre VIII, ch. 4, § 4, page 481.

  1. § 4. À cette vieille fable, ceci semble un peu contredire ce qui vient d’être dit plus haut, § 2, du respect qu’on doit aux traditions. — Tel qu’il est et en dehors de ses lois régulières, j’ai dû développer un peu ceci pour rendre toute la force des mots dont Aristote se sert. — De quelque Atlas, Simplicius fait remonter cette tradition à Homère ; mais il est peu probable que ce soit Homère qui l’ait inventée. Aristote repousse encore cette fable d’Atlas dans le Traité du mouvement dans les animaux, ch. 3, § 5, page 245 de ma traduction — Dans le monde, il semble, par toute la contexture des idées, que le Monde ici doit s’entendre de la terre et des éléments qui forment son atmosphère. — Quand on les suppose pesants et terrestres, Aristote ne s’est jamais expliqué directement sur la nature qu’il suppose aux grands corps célestes. Dans la Métaphysique, livre XII, ch. 8, page 203, traduction de M. V. Cousin, Aristote croit qu’il y a autant d’essences éternelles qu’il y a de corps célestes et d’astres dans l’espace ; mais il ne dit pas quelle est la nature propre de ces corps. Ici il ne semble pas croire que ces corps soient composés comme notre globe.
  2. § 5. Ainsi que le veut Empédocle, d’après Simplicius, cette opinion d’Empédocle serait aussi celle d’Anaxagore et de Démocrite, qui d’ailleurs admettaient l’immobilité de la terre. La théorie que critique Aristote se rapproche de la vérité, plus que la sienne ; et Empédocle était dans la voie où la science moderne