Page:Aristote - Traités des parties des animaux et de la marche des animaux, tome I, 1885.djvu/430

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§ 6[1]. Dans la plupart des animaux terrestres, qui sont ovipares et qui ont du sang, la langue est absolument inutile pour la fonction de la voix ; chez eux, elle est liée et dure. Quant à la perception du goût et des saveurs, les serpents et les lézards ont une langue longue et partagée en deux. Les serpents l’ont tellement longue qu’ils peuvent l’étendre peu à peu fort loin. Ils l’ont double, et le bout en est mince comme un cheveu, parce que, de leur nature, ils sont très-friands, et ils ont le plaisir de goûter deux fois les saveurs, comme ayant un double sens du goût. § 7[2]. Les animaux qui sont privés de sang, aussi bien que tous ceux qui en ont, sont pourvus de l’organe des saveurs ;

  1. Qui sont ovipares et qui ont du sang. Voir sur les oiseaux l’Anatomie comparée de Cuvier, XXVIIIe leçon, pp. 450 et suiv. — Inutile pour la fonction de la voix. Il faut comprendre qu’il s’agit de la voix articulée comme elle l’est dans l’homme. — Les serpents et les lézards. Toutes ces observations sont exactes, et la science moderne n’a pu que les confirmer. Voir Cuvier, Anatomie comparée, XVe leçon, p. 680, 1reédition. — L’étendre peu à peu fort loin. Cuvier dit aussi que la langue des lézards est singulièrement extensible, comme celle des serpents, et qu’elle se termine par deux longues pointes flexibles demi-cartilagineuses. Celle du chaméléon, qui est cylindrique, peut s’allonger considérablement, grâce à un mécanisme spécial. — Ils l’ont double. Ou plutôt : « Bifide. » — Ils sont très-friands. Le fait est vrai ; mais l’explication est plus ingénieuse que réelle. — Ils ont le plaisir de goûter deux fois les saveurs. Ce n’est peut-être pas impossible.
  2. Privés de sang. Ce sont surtout les insectes qu’Aristote entend désigner par là, et aussi les poissons, comme la suite le prouve. — De l’organe des saveurs. Voir Cuvier, Anatomie comparée, XVe leçon, p. 682 sur les insectes, et pp. 681 et 695 sur les poissons ; voir en outre XVIIIe leçon, pp. 260 et suiv., sur la langue considérée comme organe mobile de déglutition. — Par exemple quelques poissons. Voir l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. VIII, §§ 6 et suiv. sur le sens du goût chez les poissons ; voir aussi Cuvier. Anatomie comparée, XVIIIe leçon, p. 277. — Crocodiles de rivières. Voir l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. VI, § 2. Le crocodile n’est jamais que dans les cours d’eau douce, comme est le crocodile du Nil ; le crocodile terrestre n’est pas un vrai crocodile ; c’est un grand lézard, auquel on avait donné le nom de crocodile terrestre dans quelques contrées de la Grèce, où il se trouve ; voir MM. Aubert et Wimmer, Histoire des Animaux, t. I, p. 117. n° 10. On ne comprend pas bien sur quel fondement reposerait cette distinction. C’est à tort qu’Aristote a dit dans ce passage que le crocodile n’a pas de langue ; il en a une ; mais elle est plate et attachée jusque près de ses bords ; voir Cuvier, Règne animal, t. II, pp. 18 et 19, édit. de 1829. Il faut beaucoup d’attention pour discerner cette langue du reste de la bouche.