Page:Aristote Metaphysique 1840 1.djvu/14

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seule voix, durant deux cents années, ne s’éleva de notre pays, en faveur de ces doctrines qu’on y avait autrefois défendues avec la hache et le glaive, et les dédains de nos pères firent longuement expier au roi déchu le despotisme de son génie.

Il était réservé à notre siècle, qui a déjà déraciné tant de préjugés, réparé tant d’injustices, réhabilité tant de gloires, de rappeler enfin à la lumière cet Aristote si profondément oublié. Ce ne fut point une vaine fantaisie d’érudit, la curiosité d’exhumer un cadavre, et de mesurer le néant. Il ne s’agissait pas non plus, à l’exemple du seizième siècle, d’enchâsser richement une vieille relique dédaignée, pour la proposer aux adorations du monde. La critique moderne avait un but plus élevé ; elle essayait de renouer la tradition brisée, de rattacher le présent et l’avenir au passé, de faire l’éducation du genre humain, par l’expérience du genre humain lui-même. C’est en Allemagne qu’on vit se manifester les premiers symptômes de cette révolution favorable. Les deux grands systèmes dogmatiques qui passionnaient les esprits, devaient naturellement appeler l’attention sur l’aïeul de Spinosa et de Leibnitz, de Schelling et de Hegel. Il y a vingt ans, un philologue du premier ordre, Chrétien-Auguste Brandis, commentait à ses disciples la Métaphysique d’Aristote, non pas pour faire puérilement parade devant eux d’un beau talent et d’une érudition immense, mais pour les initier à la philosophie de leur temps[1]. L’exemple de Brandis trouva des

  1. Cum in antiquæ philosophiæ studio id vel maxime spectandum sit, ut… bene præparati ad nostram perveniamus, etc. Arist. et Theophr. Metaph. prœfat. Brand. sub init.