Page:Aristote Metaphysique 1840 1.djvu/23

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à toutes les formes de la pensée ; ce n’est ni l’expérience seule, ni la dialectique, ni la méthode historique, c’est mieux encore ; ce sont à la fois et tour à tour toutes ces méthodes. Aristote n’est pas le théoricien de la méthode ; il est méthodique comme on était éloquent dans les premiers âges : l’Ulysse d’Homère n’avait pas même besoin de connaître comment et pourquoi il savait persuader les hommes.

Une chose qui a souvent frappé, et qui a pu influer beaucoup sur le jugement général que l’on porte de la philosophie d’Aristote, c’est que, dans un traité qui a pour objet la recherche des principes les plus élevés de la science, dans un traité sur la philosophie première, sur l’être, sur Dieu, il prenne pour point de départ l’expérience sensible. À chaque instant Aristote s’appuie sur les données expérimentales, il nous y ramène sans cesse, il formule même les lois de l’expérience. Qu’on ne s’y trompe pas cependant ; si l’expérience des sens est au point de départ, elle n’est pas partout, elle n’est pas tout en un mot ; elle n’est qu’un degré nécessaire sur lequel il faut s’appuyer pour arriver plus haut. Elle donne la vérité, mais seulement une partie de la vérité ; l’expérience ne constitue pas la science. Elle en est essentiellement distincte ; elle en est, si l’on veut, la condition, mais elle en diffère autant que le manœuvre de l’architecte.

Tout portait Aristote à négliger le témoignage des sens : l’autorité de son maître, les préjugés philosophiques contre la certitude du monde sensible répandus de son temps ; mais son génie l’a mieux servi que les circonstances, et l’un des principaux caractères de sa