Page:Aristote Metaphysique 1840 1.djvu/232

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des divers philosophes sur les mêmes sujets, tous les points obscurs qu’ils peuvent avoir négligé d’éclaircir : si l’on veut arriver à une solution vraie, il est utile de se bien poser d’abord ces difficultés. Car la solution vraie à laquelle on parvient ensuite, n’est autre chose que l’éclaircissement de ces difficultés : or, il est impossible de délier un nœud si l’on ne sait pas la manière de s’y prendre. Ceci est évident surtout pour les difficultés, les doutes de la pensée. Douter, pour elle, c’est être dans l’état de l’homme enchainé : pas plus que lui elle ne peut aller en avant. Il nous faut donc commencer par examiner toutes les difficultés, et pour ces motifs, et aussi parce que chercher sans se les être posées d’abord, c’est ressembler à ceux qui marchent sans savoir vers quel but il faut marcher, c’est s’exposer même à ne point reconnaître si l’on a découvert ou non ce que l’on cherchait. En effet, on n’a point alors de but marqué : le but est marqué au contraire pour celui qui a commencé par se les bien poser. Enfin, on doit nécessairement être mieux à même de juger, quand on a entendu, comme parties adverses en quelque sorte, toutes les raisons opposées[1].

  1. Aristote, ou le philosophe, quel qu’il soit, auquel on veut faire, bien gratuitement du reste, l’honneur d’avoir écrit un de ses plus beaux ouvrages, présente dans le De cœlo une image analogue : « Nous devons d’abord exposer les opinions des autres philosophes [sur la nature du monde], parce que des démonstrations contradictoires sont un motif de neutralité pour nous. D’ailleurs, nos paroles auront plus de poids, si, avant tout, nous appelons au débat les opinions diverses, pour y faire valoir leurs prétentions : de la sorte, nous n’aurons pas l’air de condamner les absents. Il faut que ceux qui veulent sainement juger de la vérité se posent, non en adversaires, mais en arbitres. » I,10. Bekk.,p. 270.