Page:Aristote Metaphysique 1840 1.djvu/51

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

n’ont point seulement une réalité subjective, elles répondent à quelque chose au dehors de nous ; dans ce sens les idées sont elles-mêmes des réalités. Et cela est si vrai, qu’Aristote n’anéantira pas l’idée, quoi qu’il fasse ; il la reproduira sous un autre nom. Telle n’est point tout à fait, cependant, la portée du système de Platon. Il a eu le tort de faire de ces idées des êtres indépendants ; de ne point les identifier avec la pensée de Dieu, ou du moins de ne pas le faire assez nettement pour que ses successeurs ne pussent pas se méprendre sur sa pensée[1]. À part ce défaut, il échappe, autant que nous pouvons en juger aujourd’hui, aux reproches que lui adresse son disciple.

Platon n’a point négligé non plus le principe de l’essence ; mais il ne l’a pas pris au même point de vue qu’Aristote ; la forme essentielle d’Aristote est plutôt le caractère propre de l’individu, que le caractère général de l’espèce ou du genre. Platon avait trop négligé l’individu ; sa doctrine tendait à absorber l’individu dans la généralité, qui seule lui semblait digne

  1. Platon dit cependant dans la République, que Dieu est le principe des idées. Quelques passages du Timée sont plus explicites encore ; enfin Alcinoüs (platonicien qui vivait vers le IIe siècle avant J.-C.) dit formellement que l’idée, dans l’opinion de Platon, n’était que la pensée de Dieu : « L’idée est, par rapport à Dieu, son intelligence ; par rapport à nous, le premier objet de l’entendement ; par rapport à la matière, la mesure ; par rapport au monde sensible, l’exemplaire ; par rapport à elle-même, l’essence. . . . . .
    . . . . . . « L’existence des idées, Platon l’établit ainsi : que Dieu soit esprit, ou qu’il soit intelligence, il a des pensées, et ces pensées sont éternelles et immuables ; de là suit l’existence des idées…
    Introduction à la Phil. de Platon, ch. 6.