Page:Aristote Metaphysique 1840 1.djvu/52

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de ses regards. Aristote, par une réaction naturelle, place l’essence dans l’individu, il ne l’en sépare point ; pour lui, ce n’est plus l’idée qui produit l’homme, en se réalisant en lui ; c’est un homme, dit-il, qui produit un homme. Le général est, ici, sacrifié au particulier. Ni Aristote n’est absolument dans l’erreur, ni Platon ; ils ont pris chacun un côté de la vérité ; ils ont l’un et l’autre raison pour ce qu’ils adoptent, tort pour ce qu’ils nient. La même différence se retrouve dans leur cosmogonie avec les mêmes caractères. Le dieu d’Aristote ne se reproduit pas à chaque instant dans son œuvre ; il a de toute éternité organisé l’univers, réalisé la forme ; il a donné l’impulsion, et les mondes suivent la route qui leur a été tracée ; dans le mouvement primitif étaient contenues toutes les transformations futures : elles se produisent peu à peu, elles naissent sans interruption l’une de l’autre. On reconnaît là le germe de l’harmonie préétablie de Leibnitz. Le dieu de Platon est un ouvrier plus actif ; il a formé le monde, il le renouvelle sans cesse ; sans cesse il produit de nouveaux individus, mais toujours en se conformant au type qu’il a adopté d’abord comme le plus parfait.

Il eût été difficile que Platon, après avoir pénétré si avant dans la science, omît un des principes les plus importants, celui qui d’ailleurs se manifeste avec le plus d’évidence, le principe du bien, la cause finale. Ici encore les accusations d’Aristote sont au moins exagérées. Platon dit expressément[1] que le bien est la notion

  1. Répub., VI.