Page:Aristote Metaphysique 1840 1.djvu/56

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dépendant, et la seule science vraiment libre, vraiment indépendante, doit être de toute nécessité celle qui porte sur l’être indépendant, l’être en soi. Cette science est la philosophie première. Elle est l’étude des axiomes que toute science doit poser à son point de départ ; et par là elle domine toutes les spéculations particulières, elle leur fournit une base et des principes. Science universelle, dans toute l’acception du mot, elle ne porte point sur une nature particulière, elle embrasse l’étude, sans exception, de toutes les natures. L’être en tant qu’être, la forme de l’être, les attributs universels de l’être en tant qu’être, voilà son domaine : il comprend toutes les existences.

L’être s’entend de plusieurs manières[1] ; il est ou la substance, ou seulement une modification, une qualité, une privation de la substance ; mais ces diverses acceptions se rapportent à une seule chose, l’être en tant qu’être. De sorte qu’une seule science devra s’occuper de toutes les espèces de l’être, de toutes les modifications de la substance. Elle embrassera aussi l’étude de l’unité dans toutes ses acceptions ; car l’unité ne peut se séparer de l’être ; enfin, une même science devant s’occuper des contraires, la philosophie sera la science de tous les contraires, elle étudiera en même temps l’unité et la pluralité, dans lesquelles vient se résumer toute contradiction[2].

Si tel est, et on ne peut le contester à Aristote, le but de la philosophie première, aucune science ne s’est jamais proposé une aussi vaste carrière à parcourir. Elle

  1. Mét., IV, 1.
  2. Mét., IV, 2.