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« Il ne gouvernait pas son dict royaume, mais il étoit gouverné et mis comme à néant[1]. »

La folie du roi comportant quelques rémissions à périodicité irrégulière, il a toujours profité de ces lueurs de raison, quand elles étaient assez prolongées pour qu’il pût se retrouver un peu, pour remédier autant qu’il le pouvait aux exactions commises en son nom par les grands ducs et pour soulager les maux du peuple. Il fit dans son royaume des voyages signalés par des mesures utiles.

Il n’y a pas, parmi les chroniqueurs du temps, une note discordante sur le compte de l’infortuné monarque. « Il était bon et affectueux pour son peuple. » À sa mort, tous pleuraient et sanglotaient : « Oncque ne fut plus aimé de son peuple qu’il l’étoit » (Chronique de Perceval de Clagny, p. 127).

Aurait-on, pendant les cinq cents ans qui nous séparent de cette époque, mis au jour quelque pièce nouvelle qui démente cette affirmation de la bonté du roi et de l’affection de son peuple pour lui ? Loin de là, tous les documents n’ont fait que les confirmer, et tous les historiens modernes nous présentent Charles VI comme un roi très aimé et justement aimé de son peuple. Ici quelques citations.

Guizot (que M. Dezeimeris aime tant à citer à propos de Charles VI) : « Ce roi était populaire, avait des manières courtoises et douces ; il était fidèle à ses amis et accueillant pour tous. Le peuple aimait à le voir passer dans les rues, et s’était toujours dit que les maux publics provenaient de l’état de maladie où était tombé le roi Charles ; la bonté qu’il laissait voir dans ses intervalles lucides avait fait de lui un objet de tendre pitié. Quelques semaines avant sa mort, quand il était rentré dans Paris, les habitants, au milieu de leurs souffrances, avaient vu avec joie le pauvre roi fou revenir parmi eux, et ils l’avaient accueilli de mille cris de Noëls ![2]. »

Henri Martin (Histoire de France, t. V, p. 442.) : « À partir de cette époque (1392-1393), la vie de Charles VI n’est plus

  1. Monstrelet, dans Recueil des Mémoires pour servir à l’Histoire de France, par Michaud et Poujoulat, t. II, p. 685.
  2. Guizot, Histoire de France racontée à mes petits-enfants, p. a 83-84.