Page:Armand - L’illégaliste anarchiste est-il notre camarade, 2016.djvu/5

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Je ne suis pas un enthousiaste de l’illégalisme. Je suis un alégal. L’illégalisme est, à tout prendre, un pis aller dangereux pour celui qui s’y adonne même temporairement, un pis aller qui n’est ni à prôner ni à préconiser. Mais la question que je me propose d’étudier n’est pas de se demander si la pratique d’un métier illégal est périlleux ou non, mais si l’anarchiste qui se procure son pain quotidien en recourant à des métiers réprouvés par la police ou des tribunaux a raison ou tort de s’attendre à ce que l’anarchiste qui accepte de travailler au compte d’un patron le traite en camarade. En camarade dont on défend le point de vue au grand jour et qu’on ne renie pas quand il tombe dans les griffes des policiers ou sous la coupe des jugeurs. (A moins qu’il ne demande qu’on fasse le silence sur son cas).

L’anarchiste qui fait de l’illégalisme ne veut pas en effet qu’on le traite en « parent pauvre » qu’on n’ose pas avouer publiquement parce que cela ferait tort à la cause anarchiste — parce que ne pas se séparer de lui quand les représentants de la vindicte capitaliste s’acharnent sur lui risquerait d’éloigner du mouvement anarchiste la sympathie des syndicalistes ou la clientèle des anarchisants petits-bourgeois.

C’est à dessein que l’anarchiste illégaliste s’adresse à son camarade exploité par le patron, c’est-à-dire qui se sent exploité. Il ne s’attend que peu ou prou à être compris par ceux qui font un travail qui est de leur goût. parmi ceux-là, il range le doctrinaire et le propagandiste anarchistes qui répandent, défendent, exposent des idées qui répondent à leurs opinions, — c’est à souhaiter du moins. Quand même ils ne retireraient de leur labeur qu’un maigre, très maigre salaire, leur situation morale n’est pas comparable à la position d’un anarchiste travaillant sous la surveillance d’un contremaître et obligé de subir toute la journée la