Car, tu le sais, cette aimable déesse
Qui s’empara de moi quand je reçus le jour,
La Poésie, à la vive allégresse
Préfère, pour former sa cour.
Et la Mélancolie, et la douce Tristesse,
Filles rêveuses de l’Amour.
Ô de mon sort, souveraine maîtresse !
Je leur vouai mon cœur en te donnant ma foi ;
Et tout ce que les Dieux ont d’une main féconde
Versé de biens et de plaisirs au monde
N’égale pas l’espoir d’être pleuré par toi.
Que des Muses audacieuses,
Dans leurs rimes ambitieuses,
Rêvent leur immortalité :
Moi, je n’aspire plus qu’à la tranquillité
De la rustique sépulture,
Où doit bientôt à la nature
Se rendre ma fragilité.
Toi, viens me voir dans mon asile sombre ;
Là, parmi les rameaux balancés mollement,
La douce illusion te montrera mon ombre
Assise sur mon monument.
Là, quelquefois plaintive et désolée,
Pour me charmer encor dans mon triste séjour,
Tu viendras visiter, au déclin d’un beau jour.
Mon poétique mausolée ;
Là, tu me donneras, en passant, un soupir
Plus doux pour moi qu’un souffle du Zéphir ;
Par toi ces lieux me seront l’Élisée ;
Le ciel y versera sa plus douce rosée,
L’ombre y sera plus fraîche, et les gazons plus verts ;
Les vents plus mollement caresseront les airs ;
Et, si jamais tu te reposes
Dans ce séjour de paix, de tendresse et de deuil,
Des pleurs versés sur mon cercueil
Chaque goutte, en tombant, fera naître des roses.
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Extraits de ses œuvres.
J. DELILLE