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VERS SUR LA MORT DE J. DELILLE.


Le printemps, de retour sur la terre embellie,
Renouvelle par-tout les sources de la vie ;
Mais, quoi ! lorsqu’il s’éveille annonçant ses bienfaits,
Le poëte des chants sommeille pour jamais !…
Apollon, attendri par les vœux de la France,
Court de son docte fils implorer la puissance ;
Ce fils protégera l’inimitable auteur
Des trois règnes d’Opis interprète enchanteur.
Veille, ô dieu d’Épidaure, au salut d’un grand homme
Que les Muses devaient au grand siècle de Rome !…
Venez, venez, beaux jours !… Ô désirs superflus !
Au souffle du printemps il ne renaîtra plus,
Plaçons à ses côtés, sous la pierre funèbre,
Son luth harmonieux ; et ce tombeau célèbre,
Tous les ans, au retour de la belle saison,
Rendra des sons plus doux que l’airain de Memnon.
Accourez tous, ô vous que son génie inspire !
À ces magiques sons accordez votre lyre ;
Pour lui laissez couler et vos vers et vos pleurs…
Il chanta les jardins ; couronnez de leurs fleurs
Le dernier monument du sensible Delille.
Du haut du Pinde alors vous sourira Virgile,
Pour prix du souvenir et des tributs touchans
Dont vous aurez payé le poëte des champs.
Pour couvrir son tombeau d’une ombre poétique,
Élevez sur sa cendre un arbre allégorique ;
Du laurier de Virgile entez un rejeton
Sur un rameau sacré du mûrier de Milton.
Toutefois suspendons cet hymne de tristesse ;
Il touche au terme heureux d’une longue vieillesse.
« Dis-moi, gémirais-tu de ton cruel destin ?
» Le bel astre du jour n’a-t-il pas son déclin ?