Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/186

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qui est matérielle et immatérielle, ou bien en celle qui est corporelle, et celle qui n’est pas corporelle ; parce que les mots d’immatérielle ou d’incorporelle ne nous donnent qu’une idée fort imparfaite et fort confuse de ce qui se comprend beaucoup mieux par les mots de substance qui pense[1].

La troisième règle, qui est une suite de la seconde, est que l’un des membres ne soit pas tellement enfermé dans l’autre, que l’autre en puisse être affirmé, quoiqu’il puisse quelquefois y être enfermé en une autre manière ; car la ligne est enfermée dans la surface comme le terme[2] de la surface, et la surface dans le solide comme le terme du solide. Mais cela n’empêche pas que l’étendue ne se divise en ligne, surface et solide, parce qu’on ne peut pas dire que la ligne soit surface, ni la surface solide. On ne peut pas, au contraire, diviser le nombre en pair, impair et carré, parce que tout nombre carré étant pair ou impair, il est enfermé dans les deux premiers membres.

On ne doit pas aussi diviser les opinions en vraies, fausses et probables, parce que toute opinion probable est vraie ou fausse. Mais on peut les diviser premièrement en vraies et en fausses, et puis diviser les unes et les autres en certaines et en probables.

Ramus et ses partisans se sont fort tourmentés pour montrer que toutes les divisions ne doivent avoir que deux membres. Tant qu’on peut le faire commodément, c’est le meilleur ; mais la clarté et la facilité étant ce qu’on doit le plus considérer dans les sciences, on ne doit pas rejeter les divisions en trois membres, et plus encore quand elles sont plus naturelles, et qu’on aurait besoin de subdivisions forcées pour les faire toujours en deux membres : car alors, au lieu de soulager l’esprit, ce qui est le principal fruit de la division, on l’accable par un grand nombre de subdivisions, qu’il est bien plus difficile de retenir que si tout d’un coup on avait fait plus de

  1. On reconnaît les deux définitions de Descartes : res cogitans, res extensa.
  2. C’est-à-dire la limite.