Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/199

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CHAPITRE PREMIER

De la nature du raisonnement et des diverses espèces qu’il peut y en avoir.


La nécessité du raisonnement n’est fondée que sur les bornes étroites de l’esprit humain, qui, ayant à juger de la vérité ou de la fausseté d’une proposition, qu’alors on appelle question, ne peut pas toujours le faire par la considération des deux idées qui la composent, dont celle qui en est le sujet est aussi appelée petit terme, parce que le sujet est d’ordinaire moins étendu que l’attribut, et celle qui en est l’attribut est aussi appelée le grand terme par une raison contraire. Lors donc que la seule considération de ces deux idées ne suffit pas pour faire juger si l’on doit affirmer ou nier l’une de l’autre, il y a besoin de recourir à une troisième idée, ou incomplexe ou complexe (suivant ce qui a été dit des termes complexes), et cette troisième idée s’appelle moyen[1].

Or, il ne servirait de rien, pour faire cette comparaison de deux idées ensemble par l’entremise de cette troisième idée, de la comparer seulement avec un des deux termes. Si je veux savoir, par exemple, si l’âme est spirituelle, et que, ne le pénétrant pas d’abord, je choisisse, pour m’en éclaircir, l’idée de pensée, il est clair qu’il me sera utile de comparer la pensée avec l’âme, si je ne conçois dans la pensée aucun rapport avec l’attribut de spirituelle, par le moyen duquel je puisse juger s’il convient ou ne convient pas à l’âme. Je dirai bien, par exemple, l’âme pense ; mais je n’en pourrai pas conclure, donc elle est spirituelle, si je ne conçois aucun rapport entre le terme de penser et celui de spirituelle.

Il faut donc que ce terme moyen soit comparé, tant

  1. Cette théorie du raisonnement est empruntée tout entière aux Analytiques d’Aristote.