Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/211

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Ou il est sujet en l’une et l’autre, ce qui fait la troisième figure ;

Ou il est enfin attribut dans la majeure et sujet en la mineure, ce qui peut faire une quatrième figure ; étant certain que l’on peut conclure quelquefois nécessairement en cette manière, ce qui suffit pour faire un vrai syllogisme. On en verra des exemples ci-après[1].

Néanmoins, parce qu’on ne peut conclure de cette quatrième manière qu’en une façon qui n’est nullement naturelle et où l’esprit ne se porte jamais, Aristote et ceux qui l’ont suivi n’ont pas donné à cette manière de raisonner le nom de figure. Galien[2] a soutenu le contraire, et il est clair que ce n’est qu’une dispute de mots qui doit se décider en leur faisant dire de part et d’autre ce qu’ils entendent par le mot de figure.

Mais ceux-là se trompent sans doute qui prennent pour une quatrième figure, qu’ils accusent Aristote de n’avoir pas reconnue, les arguments de la première, dont la majeure et la mineure sont transposées, comme lorsqu’on dit : Tout corps est divisible ; tout ce qui est divisible est imparfait : donc tout corps est imparfait. Je m’étonne que Gassendi[3] soit tombé dans cette erreur, car il est ridicule de prendre pour la majeure d’un syllogisme la proposition qui se trouve la première, et pour mineure, celle qui se trouve la seconde ; si cela était, il faudrait prendre souvent la conclusion même pour la majeure ou la mineure d’un argument, puisque c’est assez souvent la première ou la seconde des trois propositions qui le composent, comme dans ces vers d’Horace, la conclusion est la première, la mineure la seconde, et la majeure la troisième :

Qui melior servo, qui liberior sit avarus,
In triviis fixum quum se dimittit ob assem,
Non video : nam qui cupiet, metuet quoque ; porro
Qui metuens vivit, liber mihi non erit unquam.

Car tout se réduit à cet argument :

Celui qui est dans de continuelles appréhensions n’est point libre :

Tout avare est dans de continuelles appréhensions :

Donc nul avare n’est libre.

  1. Un vers mnémotechnique résume ainsi les quatre figures, en désignant par sub le sujet (subjectum) et par præ l’attribut ou prédicat (prædicatum) :

    Subpræ, tum præpræ, tum subsub, denique præsub.

  2. Claude Galien, né à Pergame l’an 131 de J.-C., mort vers 200. C’est Averrhoès qui a attribué la quatrième figure à Galien, quoiqu’on n’en trouve aucune mention dans ses écrits.
  3. Gassendi, Institutiones logicæ, pars III, i.