Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/27

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LA LOGIQUE
OU
L’ART DE PENSER

AVIS DE LA PREMIÈRE ÉDITION[1]


La naissance de ce petit ouvrage est due entièrement au hasard, et plutôt à une espèce de divertissement qu’à un dessein sérieux. Une personne de condition entretenant un jeune seigneur[2], qui dans un âge peu avancé faisait paraître beaucoup de solidité et de pénétration d’esprit, lui dit qu’étant jeune, il avait trouvé un homme qui l’avait rendu, en quinze jours, capable de répondre sur une partie de la logique. Ce discours donna occasion à une autre personne qui était présente, et qui n’avait pas grande estime pour cette science, de répondre en riant, que si monseigneur… voulait en prendre la peine, on s’engagerait bien à lui apprendre en quatre ou cinq jours tout ce qu’il y avait d’utile dans la logique. Cette proposition faite en l’air ayant servi quelque temps d’entretien, on se résolut d’en faire l’essai ; mais comme on ne jugea pas les logiques ordinaires assez courtes, ni assez nettes, on eut la pensée d’en faire un petit abrégé qui ne fût que pour lui.

C’est l’unique vue qu’on avait lorsqu’on se mit en devoir d’y travailler, et l’on ne pensait pas y employer plus d’un jour ; mais quand on voulut s’y appliquer, il vint dans l’esprit tant de réflexions nouvelles qu’on fut obligé de les écrire pour s’en décharger ; ainsi, au lieu d’un jour, on y employa quatre ou cinq, pendant lesquels

  1. Elle parut en 1662.
  2. Charles-Honoré d’Albert, duc de Chevreuse, mort en 1712. Il était fils du duc de Luynes, qui traduisit en français les Méditations de Descartes.