Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/405

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périence et des faits, s’envole aussitôt aux principes les plus généraux, et en vertu de ces principes qui prennent une autorité incontestable, juge et établit les lois secondaires (et c’est elle que l’on suit maintenant) ; l’autre qui de l’expérience et des faits tire les lois, en s’élevant progressivement et sans secousse jusqu’aux principes les plus généraux, qu’elle atteint en dernier lieu ; celle-ci est la vraie, mais on ne l’a jamais pratiquée…

L’une et l’autre méthode partent de l’expérience et des faits, et se reposent dans les premiers principes ; mais il y a entre elles une différence immense ; puisque l’une effleure seulement en courant l’expérience et les faits, tandis que l’autre en fait une chose enchaînée et approfondie ; l’une, dès le début, établit certains principes généraux, abstraits et inutiles, tandis que l’autre s’élève graduellement aux lois qui sont en réalité les plus familières à la nature.

Bacon, Novum organum.
De la nouvelle méthode.

Si les hommes, pendant tant de siècles, avaient suivi la vraie méthode de découvertes et de culture scientifique, sans faire plus de progrès, ce serait très-certainement une opinion audacieuse et téméraire que d’espérer une amélioration inconnue jusqu’ici. Mais si l’on s’est trompé de route, et si les hommes ont consumé leurs peines dans une direction qui ne pouvait les conduire à rien, il s’ensuit que ce n’est pas dans les choses elles-mêmes, sur lesquelles ne s’étend pas notre pouvoir, que se trouve la difficulté, mais dans l’esprit humain et dans la manière dont on l’a exercé, ce à quoi l’on peut remédier certainement. Ce sera donc une chose excellente que de montrer ces errements ; car autant d’obstacles ils auront créés dans le passé, autant de motifs d’espérance on devra concevoir pour l’avenir. Et quoique nous en ayons déjà touché quelque chose, dans ce que nous avons dit plus haut, cependant il nous a paru utile de les expliquer ici brièvement en termes nus et simples.

Les sciences ont été traitées, ou par les empiriques, ou par les dogmatiques. Les empiriques, semblables aux fourmis, ne savent qu’amasser et user : les rationalistes, semblables aux araignées, font des toiles qu’ils tirent d’eux-mêmes ; le procédé de l’abeille tient le milieu entre ces deux :