Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/412

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gage. Les hommes croient que leur raison commande aux mots ; mais les mots exercent souvent à leur tour une influence toute-puissante sur l’intelligence, ce qui rend la philosophie et les sciences sophistiques et oiseuses. Le sens des mots est déterminé selon la portée de l’intelligence vulgaire, et le langage coupe la nature par les lignes que cette intelligence aperçoit plus facilement. Lorsqu’un esprit plus pénétrant ou une observation plus attentive veut transporter ces lignes pour les mettre mieux en harmonie avec la réalité, le langage y fait obstacle ; d’où il arrive que de grandes et solennelles controverses d’hommes très-doctes dégénèrent souvent en disputes de mots ; tandis qu’il vaudrait mieux commencer, suivant la prudente habitude des mathématiciens, par couper court à toute discussion, en définissant rigoureusement les termes.

Quant aux idoles du théâtre, elles ne sont pas innées en nous, ou introduites furtivement dans l’esprit ; mais ce sont les fables des systèmes et les mauvaises méthodes de démonstration qui nous les imposent. (Ibid.)

La recherche des causes finales doit rester l’objet de la métaphysique.

La seconde partie de la métaphysique est la recherche des causes finales, partie que nous notons ici, non comme oubliée, mais comme mal placée ; car, ces causes, on est dans l’habitude de les chercher parmi les objets de la physique et non parmi ceux de la métaphysique. Mais, s’il n’en résultait d’autre inconvénient que le défaut d’ordre, je n’y verrais pas tant de mal ; car l’ordre, après tout, n’a pour but que l’éclaircissement de la vérité et ne tient point à la substance des sciences. Il faut convenir pourtant que ce renversement d’ordre a donné naissance à un défaut très-notable et introduit un grand abus dans la philosophie ; c’est cette manie de traiter des causes finales dans la physique qui en a chassé et comme banni la recherche des causes physiques. Elle a fait que les hommes, se reposant sur des apparences, sur des ombres de causes de cette espèce, ne se sont pas attachés à la recherche des causes réelles et vraiment physiques, et cela au grand préjudice des sciences. Voilà ce que nous avions à dire sur la métaphysique. Or, nous ne disconvenons pas que la partie de cette science qui a pour objet les causes finales, ne