Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/445

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Toutes celles qui se peuvent souffrir contribuent fidèlement à leur mutuelle conservation. Ainsi, les jugements qui justifient le désir qu’on a pour les langues ou pour telle autre chose qu’il vous plaira, sont incessamment sollicités et pleinement confirmés par toutes les passions qui ne lui sont point contraires.

Le faux savant se présente à lui-même, tantôt comme environné de gens qui l’écoutent avec respect, tantôt comme victorieux de ceux qu’il a terrassés par des mots incompréhensibles, et presque toujours comme élevé au-dessus du commun des hommes. Il se flatte des louanges qu’on lui donne, des établissements qu’on lui propose, des recherches qu’on fait de sa personne. Il tient à tous les temps, il s’étend à tous les pays ; il ne se borne pas, comme les petits esprits, dans le temps présent, et, dans l’enceinte de sa ville, il se répand incessamment, et son épanchement fait son plaisir. Combien donc de passions se mêlent avec celle qu’il a pour la fausse érudition, lesquelles travaillent toutes à la justifier, et sollicitent chaudement des jugements en sa faveur !

Des règles qu’il faut observer dans la recherche de la vérité.

Le principe de toutes ces règles est qu’il faut toujours conserver l’évidence dans ses raisonnements pour découvrir la vérité sans crainte de se tromper. De ce principe dépend cette règle générale qui regarde le sujet de nos études, savoir : que nous ne devons raisonner que sur des choses dont nous avons des idées claires ; et, par une suite nécessaire, que nous devons toujours commencer par les choses les plus simples et les plus faciles, et nous y arrêter fort longtemps avant que d’entreprendre la recherche des plus composées et des plus difficiles.

Les règles qui regardent la manière dont il s’y faut prendre pour résoudre les questions dépendent aussi de ce même principe, et la première de ces règles est qu’il faut concevoir très-distinctement l’état de la question qu’on se propose de résoudre, et avoir des idées de ces termes assez distinctes pour les pouvoir comparer, et pour en reconnaître ainsi les rapports que l’on cherche.

Mais lorsqu’on ne peut reconnaître les rapports que les choses ont entre elles en les comparant immédiatement, la seconde règle est qu’il faut découvrir par quelque effort d’esprit une ou plusieurs idées moyennes qui puissent servir comme de