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MALHERBE

disait quelquefois à lui et à d’autres : « Mes enfants, défendez votre mère de ceux qui veulent faire servante une damoiselle de bonne maison. Il y a des vocables qui sont français naturels, qui sentent le vieux, mais le libre français… Je vous recommande par testament que vous ne laissiez point perdre ces vieux termes, que vous les employiez et défendiez hardiment… »

L’on voit bien contre qui il en a, et il enferme son opinion dans une lettre, où il recommande de « lire et relire » Ronsard : « C’est lui qui a coupé le filet que la France avait sous la langue, peut-être d’un style moins délicat que celui d’aujourd’hui, mais avec des avantages auxquels je vois céder tout ce qui écrit de ce temps, où je trouve plus de fluidité, mais je n’y vois point la fureur poétique, sans laquelle nous ne lisons que des proses bien rimées… » Malherbe avait coutume de dire que de Maynard et de Racan on ferait un grand poète : d’Agrippa d’Aubigné et de Malherbe quel poète eût-on donc fait ? Mais, dans la réalité, ils étaient tellement différents qu’ils se sont montrés radicalement incapables de se comprendre l’un l’autre.


Toutes les fois que sous Louis XIII on s’attaque ou l’on paraît s’attaquer au XVIe siècle, à sa langue et à ses modes, il faut s’attendre à distinguer dans la mêlée cette Amazone déjà mûre, qui vole avec ardeur sur les divers points d’attaque.