Page:Arnould - Quelques poètes, 1907.djvu/118

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touchante et un peu ridicule dans son attitude chevaleresque de pieuse admiratrice du passé. S’étant vouée dans sa jeunesse au culte de Montaigne et ayant été déclarée par lui sa « fille d’alliance » Mlle  de Gournay emploie dans sa vieillesse sa vive humeur gasconne et sa chaleur communicative à défendre tout ce qui fut contemporain de son père adoptif. En 1626 elle publie l'Ombre de la demoiselle de Gournay : ce titre plutôt obscur réunissait la plupart des petits traités qu’elle avait publiés auparavant et dont certains avaient eu du succès : Du langage françois, La Version des poètes antiques ou les Métaphores, Sur les Rimes, Sur les diminutifs françois, Défense de la Poésie et du langage des Poètes, etc…, autant d’apologies des vieux auteurs de l’âge précédent et d’escarmouches souvent pénétrantes sur le terrain de la nouvelle école ; elle entendait protéger, à la barbe des novateurs, la grâce, l’abondance et, comme elle disait, « l’uberté » de la langue contre « leurs regratteries » perpétuelles, qui l’appauvrissaient, et, poussant les choses à l’absurde, elle déclarait plaisamment : « Bientôt, à en juger d’après ces écrivains décharnés, il eût fallu croire que c’était ce qu’on retranchait des vers, et non pas ce qu’on y mettait, qui leur donnait du prix, en sorte que le nom d’excellent poète eût de préférence été dû à qui n’y disait rien ou même à qui n’en fait point du tout. »

L’Ombre eut un assez vif succès de ridicule. Boisrobert, le grand amuseur de Richelieu, voulut