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Page:Arnould - Quelques poètes, 1907.djvu/119

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MALHERBE

présenter la « docte pucelle » au ministre, qui s’amusa à lui adresser un compliment tout composé de vieux mots empruntés à l’ouvrage, et elle, sans se décontenancer : « Vous riez de la pauvre vieille, dit-elle ; mais riez, grand génie ; riez ; il faut que tout le monde contribue à votre divertissement. » Le cardinal racheta son manque de galanterie en lui accordant une pension pour elle, pour sa servante, pour sa chatte et ses chatons.

Par un nouveau trait de hardiesse chevaleresque, Marie de Gournay adressa un exemplaire de son Ombre à Malherbe, qui était visé tout du long de l’ouvrage, ainsi qu’à Racan, que, en conversation, elle n’appelait jamais autrement, bien à tort, que le singe de Malherbe. Racan, qui ne la connaissait pas encore, se met en devoir de l’aller remercier de son ouvrage, un beau jour, sur les trois heures. Le chevalier de Bueil, cousin du poète, se rend chez elle à une heure, monte à son 3e étage de la rue Saint-Honoré, se fait passer pour Racan, et reçoit de la vieille pucelle mille civilités à l’ancienne mode.

À peine est-il dehors, qu’Yvrande se présente à son tour, dit qu’il est Racan, et comme elle en doute, il fait fort le fâché de la pièce qui lui a été jouée et jure de s’en venger. Bref elle est encore plus contente de celui-ci qu’elle ne l’avait été de l’autre, qu’elle prend alors pour un Racan de contrebande.

Il ne faisait que de sortir lorsque M. de Racan