Page:Arnould - Quelques poètes, 1907.djvu/141

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le méprisait, il l’injuriait. Il déclarait qu’il donnerait toutes les œuvres de Ronsard pour une chanson du Pont-Neuf. Il « effaçoit son Ronsard » d’un bout à l’autre « et en cottoit à la marge les raisons », qui ne devaient pas être tendres. Quel dommage qu’on ne puisse retrouver son Ronsard comme on a retrouvé son Desportes ! et s’il a criblé celui-ci de : « Excellente sottise, Bourre, Galimatias royal, Pâté de chevilles », etc., etc… que fût-ce donc de l’autre ? Quel monument perdu de vigoureuse haine littéraire ! Racan, du moins, qui avait feuilleté ce volume, put rapporter à Conrart que son maître « mettoit à la marge de tout ce qui ne lui plaisoit pas, dans Ronsard, Moilon, moilon : comme s’il eust voulu dire, — expliquait Racan, — que ces endroits-là ressembloyent au moilon, dont on ne se sert, dans les bastimens, que pour remplir les fondemens et pour faire des murs ; au lieu que la pierre de taille est ce qui les rend solides et beaux ».

Alors, quelle grêle de moilons il avait dû jeter en marge dans le jardin fleuri de Ronsard !

Voilà bien le genre d’imagination de mots dont Malherbe usait dans son enseignement, je veux dire dans ses corrections de vers imprimés ou manuscrits, méthode excellente parce qu’elle fait entendre clairement des idées abstraites et force parfois à rire les victimes mêmes de la correction.

Ainsi, Racan avait oublié de le dire dans ses