Page:Arnould - Quelques poètes, 1907.djvu/171

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Mais que faut-il entendre au juste par ce mot, et quel est le caractère propre du tempérament angevin ? Serait-ce une certaine joie de vivre et une heureuse disposition à jouir de l’existence ? En cela l’Anjou ne paraît point se distinguer de plusieurs autres provinces, entre autres de sa voisine, la Touraine, la patrie de Rabelais. L’angevinisme, ce serait plus proprement une vision claire et heureuse des choses matérielles ou morales, un certain penchant à se raconter, à répandre devant des amis ou des lecteurs amis sa vie, ses joies, ses souffrances aussi, mais toujours avec une douceur agréable et un optimisme modéré ; en résumé, je ne sais quelle aimable élégance de l’esprit et du cœur, qui imprègne la poésie de Ronsard, et qui charme chez tous les poètes de cette région privilégiée (là tous les lettrés sont poètes, même les prosateurs), depuis le chef de la Pléiade jusqu’à M. René Bazin.

C'est bien là aussi toute une face du génie poétique de Racan. On le peut observer dans trois stances amoureuses, qui étaient restées inédites, depuis leur apparition dans un vieux recueil de 1620, et que nous rendons pour la première fois à la lumière. Elles s’adressent probablement à la jeune Mancelle Sylvie, pour qui Racan fit aussi l’ode Au fleuve du Loir débordé :


Celle qui possède mon cœur,
pour s’excuser de sa rigueur,
se veut couvrir de sa jeunesse.
Elle feint d’ignorer ma foi,