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Page:Arnould - Quelques poètes, 1907.djvu/229

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Il aimera à voir le troupeau s’acheminer à la maison et les bœufs d’un pas fatigué ramener la charrue renversée ; mais ce sera pendant ses repas, comme à la ville il repose sa vue sur un paysage de tenture.

Il se nourrira d’olives et d’oseille, mais en pensant aux huîtres du lac Lucrin et aux pintades d’Afrique, qu’il n’avalerait pas de meilleur appétit. Il y a, chez ce rustique récemment converti, du citadin heureux de déjeuner un jour sur l’herbe, parce qu’il y trouve un régal de nouveauté dans son existence de blasé. Il y a en lui du dilettantisme.

Nos inquiétudes sur la sincérité de notre homme sont d’ailleurs pleinement justifiées par la conclusion de l’épode :

« Ayant dit ces mots, l’usurier Alfîus, qui allait se faire campagnard, fit rentrer tout l’argent qui lui était dû le mois dernier, et déjà il cherche à en placer pour le prochain. » Ainsi cet amour de la campagne n’était qu’amour de tête, et ce rêve rustique n’était qu’un caprice brillant d’imagination entre deux coups de Bourse.

Horace d’ailleurs faisait d’autant mieux parler son financier qu’il aimait lui-même la campagne à peu près de même sorte : son esclave Davus le lui dit franchement le jour où il lui débite ses vérités :

 
Romse rus optas, absentem rusticus urbem,
(À Rome, tu aimes la campagne ; à la campagne, la ville
absente),