Un jour le monde vain lassa ton âme franche,
et l’enseigne rêveur de la Cornette Blanche
vint vieillir et mourir auprès de ses troupeaux.
4. Maintenant, loin des champs et loin du crépuscule,
dans nos mornes cités où le réel accule
le poète, et lui dit : « Ne rêve pas, ou meurs ! »
aux pieds de la Fortune avec la foule il lutte ;
la roue inexorable écrase un jour sa flûte,
mais il ne peut plus fuir la ville et ses rumeurs.
5. Heureux celui qui put en ses rimes fécondes
faire auprès des roseaux glisser de fraîches ondes,
dérouler le manteau rutilant des moissons,
remplir cuve et pressoir des vendanges nouvelles,
dire les chars pliant sous le poids des javelles,
et peindre les bergers couchés près des buissons.
6. Tu fis bien de l'aimer cette terre natale,
d’aimer ses bois, ses rocs, son fleuve qui s’étale :
en ton blason se trouve un peu de son azur,
un peu de son azur éclaira ton génie
et sembla te prêter la lumière bénie
qui verse en ses vallons un rayonnement pur.
7. Quand l’aurore illumine avec sa rougeur brève
les balustres sculptés où s’accoudait ton rêve,
par l’odeur des foins mûrs tes sens étaient grisés.
Quand les vapeurs au bas des coteaux sombres traînent,
en psaumes exhalant tes tristesses sereines,
tu contemplais les cieux d’astres fleurdelisés.
8. Aussi, quand le matin bleuit les avenues,
dans l’arbre frissonnant les brises ingénues
nous chuchotent un vers que nous reconnaissons,
et quand l’ombre du soir descend sur les prairies,
et sur le vieux clocher, et sur les métairies,
nous écoutons encor l’écho de tes chansons……
9. Nous recueillons le miel des strophes savoureuses
que formèrent jadis, dans les roches ombreuses,
tes vers, abeilles d’or d’un murmurant essaim.
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QUELQUES POÈTES