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MALHERBE

que presque évanoui je tombai sur la place,
en pâleur d’une pierre, en froideur de la glace,
et tel qu’aux yeux humains se ferait admirer
un marbre qu’on oirrait gémir et soupirer…

C’était là comme la monnaie de la Franciade ; d’ailleurs, cette génération poétique, qui avait Desportes à sa tête, se réclamait de Ronsard, mais elle commençait de faire une mise au point assez sage des projets tumultueux de la Pléiade ; elle avait renoncé, par exemple, à l'ode pindarique, à l’épopée et aux termes gréco-latins, et nous ne doutons point, pour notre part, que la poésie française n’eût ainsi trouvé peu à peu sa voie et accompli son évolution, doucement et sans secousses, dans le sens de la vérité, c’est-à-dire dans celui des tendances nationales. Mais un homme se rencontra, qui soudain brusqua cette évolution, l’avança de cinquante ans, et par son enseignement, par ses boutades, par l’autorité tranchante de toute sa personne, par ses œuvres même, constitua définitivement l’école classique française.

II

LE CHEMINEMENT DE MALHERBE VERS LA COUR.

François de Malherbe employa trente ans à parvenir de Caen au Louvre, en passant longuement par la Provence, et il y mit cette opiniâtre ténacité qu’il devait témoigner dans sa réforme.