Page:Arnould - Quelques poètes, 1907.djvu/86

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
68
QUELQUES POÈTES

Toutes les fois que le roi parlait de Malherbe à des Yveteaux, continue Racan dans les Mémoires pour la vie de son maître, le poète de Cour lui offrait de le faire venir de Provence ; « mais le roi, qui était ménager, craignait que, le faisant venir de si loin, il serait obligé de lui donner récompense, du moins de la dépense de son voyage ».

Les choses traînèrent ainsi pendant trois ou quatre ans, lorsque, au mois d’août 1605, Malherbe fit le voyage de Paris avec du Vair et Peiresc : il était appelé à Caen pour ses affaires particulières. L’officieux des Yveteaux prévient aussitôt le roi, qui envoie quérir le voyageur. Malherbe est accueilli avec bienveillance et reçoit une commande de vers pour le voyage militaire que Henri IV s’apprête à faire en Limousin et en Auvergne

À son retour, le roi trouva les vers « si admirables » qu’il commanda à son grand écuyer, M. de Bellegarde, « de garder le poète jusques à ce qu’il l’eût mis sur l’état de ses pensionnaires. M. de Bellegarde lui donna sa table, et l’entretint d’un homme et d’un cheval, et mille livres d’appointements », et le fit nommer bientôt gentilhomme ordinaire de la chambre du roi.

Enfin le poète de cinquante ans avait achevé sa laborieuse montée jusqu’à la Cour, et de là, lentement mûri par toutes les difficultés essuyées, il allait faire, de haut, la leçon à la poésie française.