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Page:Arnould - Quelques poètes, 1907.djvu/89

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MALHERBE

Rendre la poésie de France réellement française, la faire intelligible à tous ses compatriotes, et pour cela lui conférer, par tous les moyens possibles, la qualité essentielle et foncière de la pensée en notre pays, c’est-à-dire la netteté, telle sera sa mission à lui, et qu’il remplira par toutes les ressources de son énergie, quitte à se faire des ennemis partout, — sans faiblir.

Des idées proprement dites il s’occupa naturellement peu, du moins en ce qui concerne leur nature, repoussant seulement les fictions, ce qui est peut-être la marque d’un homme qui n’est point né poète, et réclamant une certaine modération dans l’usage de la mythologie, en quoi par hasard il se montra timide : quant à la variété des idées, il déclara qu’il n’en avait cure. Il veilla de beaucoup plus près à leur liaison, qu’il voulut une et forte, parce qu’il jugeait assez exactement de notre peuple par lui-même, qui était beaucoup moins un rêveur qu’un raisonneur.

L’obscurité générale, à laquelle il entendait porter remède, il s’avisa qu’elle procédait surtout des défauts de l’expression, c’est pourquoi sa doctrine reposa presque toute sur la forme : il voyait même en celle-ci le critérium de la valeur des idées, et si telle idée, recherches faites, ne pouvait être exprimée par des mots bien français à son gré, c’est qu’elle ne devait pas l’être du tout. Sur ce point, Malherbe se place aux antipodes de Ronsard, qui, lui, faisait toujours passer l’idée avant les mots.