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formation et refroidissement du globe

quantité suffisante pour compenser son inévitable rayonnement vers l’espace indéfini de l’univers. Si ce gain et cette perte de chaleur ne s’équilibraient pas, la vie n’aurait qu’une durée extrêmement limitée. La température de notre surface terrestre a mis peu de siècles ou peu de milliers d’années pour tomber de 1 000 degrés à 100 degrés parce que pendant cette période le rayonnement dépassait l’apport de chaleur venu du soleil. Par contre, semble-t-il, d’après une estimation faite par Joly, il a dû se passer environ 100 millions d’années depuis que l’océan a pu se condenser à la surface du globe. C’est cet immense espace de temps qui a dû s’écouler pour que la température tombât de 365 degrés à celle d’aujourd’hui. Ce n’est qu’à 365 degrés, température critique de l’eau, que la vapeur peut subir un commencement de condensation. À partir du moment où ce degré fut atteint la différence entre le rayonnement émis et la chaleur reçue diminuant de plus en plus, le refroidissement se trouva retardé.

L’estimation de Joly est basée sur le degré de salure de l’océan et celui des fleuves. Si l’on cherche quelle est la quantité de sel aujourd’hui contenue dans les eaux de la mer, et qu’on la compare à celle qui lui est apportée d’une manière constante par les fleuves qui s’y jettent, on trouve qu’il a fallu environ cette durée de 100 millions d’années pour en faire l’apport.

On arrive à des chiffres bien plus élevés si l’on essaie de calculer le temps nécessaire pour déposer toutes les couches stratifiées ou celles dites sédimentaires de l’écorce de notre globe. Sir Archibald Geikie, le grand géologue écossais, estime l’épaisseur totale de ces dépôts à 30 000 mètres. Il suppose toutefois, pour faire cette évaluation, qu’elles n’ont pas été remaniées. L’examen de couches relativement récentes lui a permis d’estimer que chaque épaisseur d’un mètre a demandé un temps variant entre 3 000 et 20 000 années. Le dépôt de l’ensemble de ces couches aurait donc demandé une durée comprise entre 90 et 600 millions d’années.