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l’évolution des mondes

On peut asseoir ces estimations sur d’autres bases. Pendant qu’à la surface du globe il y a compensation entre la chaleur reçue du soleil et rayonnement vers les espaces célestes, le centre continue à perdre de la chaleur, à se refroidir. Ce refroidissement est cause d’une contraction de la masse centrale. On peut s’assurer de cette contraction par la formation des chaînes de montagnes, dont la superficie totale est, d’après Rudzki, de 1,6 p. 100 de la surface terrestre. Il en conclut que le rayon de la terre s’est raccourci de 0,8 p. 100 depuis le commencement de leur formation. Cette contraction correspond à un refroidissement d’environ 300 degrés, ce qui demanderait environ 2 000 millions d’années.

Une autre méthode d’évaluation très remarquable a été imaginée tout récemment par le célèbre chimiste et physicien Rutherford, dans le but d’évaluer l’âge de certains minéraux. On sait aujourd’hui combien une quantité donnée d’urane ou de thorium laisse émaner d’hélium en l’espace d’une année. Les minéraux que l’on trouve et qui contiennent ces corps sont pour le premier, la fergusonite, et pour le second, la thorianite. Ramsay a déterminé, pour l’un comme pour l’autre, leur contenu en hélium. De ces proportions Rutherford a cru pouvoir conclure à une durée d’au moins 400 millions d’années depuis leur formation, tout en admettant que depuis ce moment, et malgré leur séjour dans le sein des roches, une certaine quantité d’hélium a dû s’en échapper. Bien que cette détermination laisse subsister encore beaucoup d’incertitudes, il n’en est pas moins d’un grand intérêt de voir qu’elle conduit à l’estimation d’une durée de même ordre que celle déduite des autres méthodes.

Pendant toute cette période d’une durée si énorme, presque inconcevable pour nous, variant, suivant le mode d’estimation, de 100 à 2 000 millions d’années, il a dû exister, tant sur la surface de la terre ferme que dans l’océan, des êtres organisés, qui ne sont, après tout, pas très différents de ceux qui vivent encore