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LE THÉATRE ET LA CRUAUTÉ

a besoin de secousses brusques pour raviver notre entendement.

Donc, d’une part, la masse et l’étendue d’un spectacle qui s’adresse à l’organisme entier ; de l’autre une mobilisation intensive d’objets, de gestes, de signes, utilisés dans un esprit nouveau. La part réduite faite à l’entendement conduit à une compression énergique du texte : la part active faite à l’émotion poétique obscure oblige à des signes concrets. Les mots parlent peu à l’esprit ; l’étendue et les objets parlent ; les images nouvelles parlent, même faites avec des mots. Mais l’espace tonnant d’images, gorgé de sons, parle aussi, si l’on sait de temps en temps ménager des étendues suffisantes d’espace meublées de silence et d’immobilité.

Sur ce principe, nous envisageons de donner un spectacle où ces moyens d’action directe soient utilisés dans leur totalité : donc un spectacle qui ne craigne pas d’aller aussi loin qu’il faut dans l’exploration de notre sensibilité nerveuse, avec des rythmes, des sons, des mots, des résonances et des ramages, dont la qualité et les surprenants alliages font partie d’une technique qui ne doit pas être divulguée.

Pour le reste et pour parler clair, les images de certaines peintures de Grunewald ou de Hiéronimus Bosch, disent assez ce que peut être un spectacle, où comme dans le cerveau d’un saint quelconque, les choses de la nature extérieure apparaîtront comme des tentations.

C’est là, dans ce spectacle d’une tentation où la vie a tout à perdre, et l’esprit tout à gagner, que le théâtre doit retrouver sa véritable signification.

Nous avons par ailleurs donné un programme qui doit permettre à des moyens de mise en scène pure, trouvés sur place, de s’organiser autour de thèmes historiques ou cosmiques, connus de tous.

Et nous insistons sur le fait que le premier spectacle du Théâtre de la Cruauté roulera sur des préoccupations