ne, heureux si je peux emmener avec moi de nombreux colons.
Hier j’ai appris que le landlord avait décidé l’expulsion de plusieurs de ses tenanciers ; j’ai cru faire un acte de philanthropie en venant vers vous qui ignorez ces choses et qu’une affreuse misère attend dans peu de jours.
— Hélas ! c’est bien la vérité, gémit le paddy.
— Tenez-vous à rester dans votre pays ? demanda l’étranger.
— Notre pays ! fit l’Irlandais d’une voix brisée, des infortunés comme nous ont-ils un pays ? Le pays c’est la terre bénie où se trouve la chaumière paternelle, où les jeunes années se sont écoulées en une joyeuse insouciance. Dans notre malheureuse patrie, ce bien nous est refusé comme tous les autres ; notre sort est semblable à celui du bœuf ou du pourceau, un caprice du maître peut à tout moment nous enlever notre position précaire. C’est ce qui nous arrive.
— Quittez donc l’Irlande et émigrez en Australie.
— Je le voudrais bien, monsieur.
— Qu’est-ce qui vous arrête donc ?
— Pour entreprendre un si long voyage il faudrait de l’argent.
— N’est-ce que cela ?
Le paddy regarda avec stupéfaction l’étranger, qui avait l’air de traiter de bagatelle une si grave question.
— Ce n’est que cela, monsieur, mais c’est assez.
— Si vous voulez émigrer pour l’Australie, il ne vous en coûtera pas un penny.
— Comment cela ?
— Chaque colonie australienne inscrit à son budget une forte somme pour provoquer l’immigration. Si vous fournissez les garanties nécessaires et signez l’engagement de résider deux ans en Australie, on vous accordera le passage gratuit, on vous nourrira, on prendra