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L’ŒUVRE DE L’ABBÉ GROULX

mérite pas la discussion — tout au plus un soupir de pitié. L’homme bien élevé qui s’est déjà risqué à demander un renseignement en français dans un bureau quelconque des Douanes ou des Finances dira si ce vieil abruti de Fletcher est une figure inconnue à Ottawa. Enfin, si Duffin n’est pas un personnage sympathique, la faute n’en est pas à l’auteur : il fallait bien montrer quel dessèchement ou quelle perversion de l’être moral est généralement chez l’Irlandais la conséquence de l’apostasie. Reprocher à l’abbé Groulx d’avoir peint tous ses Anglais sous des couleurs désobligeantes, c’est fermer les yeux sur le temps et le lieu du roman. Autant blâmer Balzac d’avoir, dans un roman destiné à montrer la lutte du paysan pour la propriété, peint uniquement des paysans sournois, envieux et pillards ; ou Flaubert d’avoir incarné dans la petite bourgeoisie française toute la niaiserie des poncifs pseudo-scientifiques du XIXe siècle. Davis Fletcher, sa fille Maud, Duffin, sont de ce monde que nous connaissons, qui vous traite avec une politesse exquise tant que vous lui faites l’hommage de parler sa langue et de singer ses habitudes de vie, mais en qui le pithecanthropus erectus reparaît malgré toutes les conventions mondaines, dès qu’il croit s’apercevoir que vous prenez votre conception de la vie au sérieux, et que ce n’est pas la sienne.

Les relations de Lantagnac avec le P. Fabien ont scandalisé M. de Montigny, cela va sans dire, et avec lui M. du Roure : le plat personnage en vérité, que celui qui ne peut faire un pas sans consulter son confesseur ! — Il serait trop facile de répondre que Lantagnac et le P. Fabien sont de vieux amis ; que, de la part d’un catholique, consulter son confesseur dans une affaire de conscience n’a rien d’anormal ; enfin qu’on a vu par sainte Catherine de Sienne, sainte Jeanne d’Arc et quelques autres, la merveilleuse pénétration donnée à l’esprit, même dans les choses temporelles, par la