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LES RELATIONS DE LA PRESSE…

principalement par la force de leur natalité, ne sont pas, si l’on peut dire, photogéniques, et quand un romancier comme Louis Hémon les a peints en 200 pages, la presse a peu d’occasions de s’occuper d’eux. Quand la presse française a noté que M. Dandurand a la barbe en pointe, que M. Lemieux a la phrase fleurie et le geste noble, que M. Lapointe a l’accent normand, que Mgr  Camille Roy pratique surtout, en critique littéraire, un prudent bénissage, que pourrait-elle ajouter pour notre gloire ? Nous ne pouvons certes pas demander à nos confrères français de publier par tranches l’Histoire du Canada sous l’Union ni même un ouvrage d’une bien autre valeur : la Naissance d’une race… Nos peuples respectifs sont maintenant trop éloignés l’un de l’autre, nos réactions devant les événements, trop différentes. Le Français a bien évolué depuis 1760 ; il sait toujours se faire tuer (un million et demi dans une seule guerre !), mais l’idéologie démocratique a atteint chez lui un degré inquiétant. De notre côté, le mot célèbre : « Nous sommes des Anglais parlant le français », devrait peut-être se changer en « Américains parlant de moins en moins le français ». Il se vend au Canada plus de périodiques et de journaux français qu’autrefois, parce que nous sommes infiniment plus nombreux et en général beaucoup moins illettrés. Demandons-nous seulement, d’après l’expérience constante des journaux canadiens à prétentions de correction linguistique et grammaticale, si le vocabulaire des meilleurs journalistes français d’aujourd’hui — je ne parle pas des simples amuseurs — est entendu de beaucoup de Canadiens-Français… Au point de vue linguistique comme au point de vue religieux et moral, le journal canadien qui voudra reproduire abondamment la presse française devra trier ses reproductions avec soin : il est tels articles d’économie ou de politique courante que seule une petite élite comprendra. Il n’en saurait d’ailleurs être autrement, quand, pour la plu-