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PENSÉE FRANÇAISE

deux mois : « Que la Ville achète l’immeuble de l’Université, puis le gouvernement provincial fera sa part. » Bref, le marché proposé n’était qu’un premier pas vers la régénération à peu près complète de l’Université. Et quiconque connaît l’aptitude ordinaire des contrôleurs (ohé !) et des échevins à manier les questions universitaires, jugera quelle diplomatie, quel tact, quel doigté, il avait fallu à l’échevin Morin pour intéresser la Ville, contre ses propres intérêts, à une œuvre si peu démagogique.

En bons vieux gâteux qu’ils sont[1], les administrateurs de l’Université n’ont pas compris cela. Ils ont raisonné, paraît-il, que l’immeuble vaudrait plus dans dix ans qu’aujourd’hui. Voilà une inspiration de génie !

De temps à autre, dans nos journaux, un scribe naïf se demande comment McGill reçoit tant d’argent des particuliers, pendant que Laval végète péniblement. C’est peut-être parce que nos amis les Anglais ont pu se convaincre d’expérience que McGill n’est pas dirigé par des crétins. Des hommes assez bornés pour refuser $400,000 de l’immeuble Laval dans les circonstances actuelles n’ont pas le droit de demander de l’argent au public. Le conseil municipal de Montréal et le gouvernement de Québec — pour ne rien dire des particuliers — refuseraient toute aide à cette institution tant qu’elle n’aura pas réformé sa direction de fond en comble, que, pour notre part, nous n’hésiterions pas à leur donner raison.

Ce qu’il faut aux administrateurs actuels de Laval, ce n’est pas de l’argent pour leur boutique : ils n’en sauraient que faire. C’est, pour leur vieillesse impotente, un asile paisible, de la bouillie, du papier de riz et des chaises percées.

L’Action, le 23 décembre 1911.


  1. Bien entendu, je ne parle ici que de la majorité : pour ne nommer, par exemple que M. le juge Loranger, j’en connais qui comprennent l’infériorité actuelle de Laval, et qui la déplorent. — O.A.