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MIGNONNE, ALLONS VOIR SI LA ROSE…[1]



J’AVAIS, à propos des Phases, qualifié M. Delahaye de « vrai poète qui joue au fumiste ». J’ai cru deviner, dans de brefs entretiens que nous avons eus sur cette appréciation, que le titre de « vrai poète » ne compensait pas l’autre à ses yeux ; que pour un peu plus il aurait vu en moi une espèce de Juge Timon, c’est-à-dire un être vaguement intermédiaire, pour l’intelligence, entre le dromadaire et le cachalot. Et je demande si, n’était l’amitié personnelle qui nous lie, il ne serait pas tenté de me compter parmi les cochons que sans, comme Léon Bloy, les nommer par leur nom, il invite aujourd’hui à aller voir avec Mignonne « si la rose est sans épines ».

Cela fût-il, que je ne songerais même pas à m’en formaliser. Il ne me gêne nullement, quant à moi, de reconnaître que tout critique littéraire canadien-français, professionnel ou improvisé, a dans son cerveau un cochon de belle taille qui sommeille, dussent, à quelques-uns, toutes les colombes du ciel habiter leur cœur. Et puis je reste certain d’avoir, en quelques mots, formulé sur les Phases un jugement juste, en y départant le fond — une

  1. Préface de Mignonne, allons voir si la rose…, recueil de vers de M. Guy Delahaye, publié en novembre 1912.