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Vie de Charles Baudelaire.

réveillait, &, dès qu’il était ſorti, ſe mettait au travail avec fureur. Il entra un jour chez un ami qu’il trouva travaillant, ou du moins la plume en main. — « Vous êtes occupé, dit Baudelaire. Qu’eſt-ce que vous faites là ? — Ce n’eſt rien, dit l’ami, une choſe à laquelle je ne mets pas d’importance. — Vous avez tort, répondit Baudelaire, il faut mettre de l’importance à tout ce qu’on fait. C’eſt le ſeul moyen de ne jamais s’ennuyer. »

Voilà les belles aumônes ! Lui, Baudelaire, à coup ſûr, s’il fut ſouvent ennuyé, ne s’ennuya jamais. Surtout il n’ennuya jamais les autres. Il était de ces hommes rares — bien rares — près deſquels on peut vivre tous les jours ſans connaître un moment l’ennui. Ses vertus étaient intimes & ſecrètes ; d’ailleurs il les cachait par pudeur, ou par orgueil faiſait profeſſion du contraire. Auſſi n’eut-il jamais pour ennemis que des gens qui ne le connaiſſaient pas. Quiconque l’avait connu l’aimait.

Cet homme, que de certains eſprits obtus & malveillants ont voulu faire paſſer pour inſociable, était la bonté & la cordialité mêmes. Il avait la qualité des forts, la gaîté, au point d’aimer à divertir à ſes dépens. Que de journées il a