Page:Asselineau - La Double Vie, 1858.djvu/235

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Mais le billet portait en post-scriptum : On fera de la musique ! Gatien ! toujours Gatien !

À force d’y réfléchir, je crus voir dans cette fatalité, qui nous réunissait sans cesse, une provocation, un défi que la destinée me jetait pour me décider à en finir.

Que risquais-je en effet ? La mesure du malheur n’était-elle pas pour moi comblée ? Je ne pouvais vivre sans l’amour de Lydie, et, pour être aimé d’elle, je n’avais qu’une ressource, détruire dans son esprit la supériorité factice de mon rival. Le moyen auquel je recourais était terrible ; et, en cas de défaite, il n’y avait au delà que la mort.

Mais était-ce vivre que de prolonger le cauchemar contre lequel je me débattais depuis tant de jours ? Qui me disait d’ailleurs que les regards de la foule, la crainte d’un ridicule mortel, en présence de ma maîtresse et de mon rival, n’étaient pas autant d’obstacles nécessaires pour exalter ma volonté ? J’essayerais donc, sous leurs yeux, devant elle, en public ; là était le péril suprême, là peut-être aussi le succès.

Une fois cette résolution prise, j’entrai dans cet état de calme sinistre qui précède les grands coups. Je me regardai vivre, j’observai mes moindres actes avec l’intérêt qui s’attache aux derniers gestes d’un mourant. Le jour venu, je m’habillai avec une lenteur solennelle : la toilette du condamné ! Pendant le trajet, je m’étonnai de ne point entendre autour