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des sonnets


Ave, dea, moriturus te salutat !




La mort & la beauté ſont deux choſes profondes
Qui contiennent tant d’ombre & d’azur, qu’on dirait
Deux ſœurs, également terribles & fécondes,
Ayant la même énigme & le même ſecret.

Ô femmes, voix, regards, cheveux noirs, treſſes blondes,
Vivez, je meurs ! Ayez l’éclat, l’amour, l’attrait,
Ô perles que la mer mêle à ſes grandes ondes,
Ô lumineux oiſeaux de la ſombre forêt !

Judith, nos deux deſtins ſont plus près l’un de l’autre
Qu’on ne croirait, à voir mon viſage & le vôtre :
Tout le divin abîme apparaît dans vos yeux,

Et moi, je ſens le gouffre étoilé dans mon âme ;
Nous ſommes tous les deux voiſins du ciel, madame,
Puiſque vous êtes belle & puiſque je ſuis vieux.


Victor Hugo.