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des sonnets


Ruines du Cœur




Mon cœur était jadis comme un palais romain,
Tout conſtruit de granits choiſis, de marbres rares.
Bientôt les paſſions, comme un flot de barbares,
L’envahirent, la hache ou la torche à la main.

Ce fut une ruine alors. Nul bruit humain.
Vipères & hiboux. Terrains de fleurs avares.
Partout giſaient, briſés, porphyres & carrares ;
Et les ronces avaient effacé le chemin.

Je ſuis reſté longtemps, ſeul, devant mon déſaſtre.
Des midis ſans ſoleil, des minuits ſans un aſtre,
Paſſèrent ; & j’ai, là, vécu d’horribles jours.

Mais tu parus enfin, blanche dans la lumière ;
Et bravement, afin de loger nos amours,
Des débris du palais j’ai bâti ma chaumière.


François Coppée.