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des sonnets


Fuite de Centaures




Ils fuient, ivres de meurtre & de rébellion,
Vers le mont eſcarpé qui garde leur retraite ;
La peur les précipite, ils ſentent la mort prête
Et flairent dans la nuit une odeur de lion.

Ils franchiſſent, foulant l’hydre & le ſtellion,
Ravins, torrents, huiliers, ſans que rien les arrête ;
Et déjà ſur le ciel ſe dreſſe au loin la crête
De l’Oſſa, de l’Olympe ou du noir Pélion.

Parfois, l’un des fuyards de la farouche harde
Se cabre bruſquement, ſe retourne, regarde,
Et rejoint d’un ſeul bond le fraternel bétail,

Car il a vu la lune éblouiſſante & pleine
Allonger derrière eux, ſuprême épouvantail,
La giganteſque horreur de l’ombre Herculéenne.


Joſé-Maria de Heredia.