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Ce qui provoquait l’admiration de Thérèse, c’était qu’on pouvait le déranger de sa lecture sans qu’il fit de difficultés, il était toujours doux et serviable, ce qu’elle appréciait d’autant plus qu’elle même était inabordable quand elle avait commencé un livre.

Jean pensait souvent à sa sœur qui passait ses vacances à Paris toute seule puisqu’il n’était pas là pour jouer avec elle ni l’emmener aux Buttes-Chaumont. Il la voyait d’ici, elle devait rester tranquille dans un coin de l’escalier, jouant avec sa poupée scalpée, ou bien elle préparait la soupe et allumait le feu puisqu’il n’était pas là pour aider sa mère. Ici, c’était plein d’air et de soleil, là-bas, c’était sale et triste dans la haute maison. Ici les deux petites cousines d’André, Paulette et Janine, jouaient toute la journée, on les suppliait de manger quand elles n’avaient pas faim, elles avaient tant de jouets qu’il leur fallait un coffre pour les ramasser. Simonne, elle, n’avait jamais rien, n’allait jamais nulle part. « Est-ce que c’est juste ? » se demandait Jean, regardant les deux sœurs qui jouaient sur un tas de sable dans le jardin et, le derrière en l’air, montraient leurs fonds de culotte et leurs cuisses rondes. Est-ce que ce n’était pas naturel d’être jaloux, que les unes aient tout à profusion et l’autre rien ?

Il avait presque honte d’être devenu si bien portant, d’avoir un si formidable appétit et de pouvoir se bourrer tant qu’il voulait, de manger des tartes et des fruits, pendant que sa sœur n’avait que du pain, de la soupe et du café ! Tandis qu’il devenait brun comme un pain trop cuit, sa sœur avait des joues pâles et molles, la peau transparente. Il pensait d’autant plus à elle que sa mère avait écrit que Simonne devait passer à Vesoul vers le 15 août avec une colonie de vacances organisée par les sœurs, pour aller à Plancher-Bas, dans les Vosges. Il en avait eu une joie folle, avait sauté, gambadé, sifflé, cherché les heures des trains de Paris afin d’aller attendre le train en gare, étudié la carte détaillée des Vosges pour voir où se trouvait Plancher-Bas. Mais hier, il avait reçu une autre lettre, Simonne ne partait pas. Des parents avaient fait des difficultés de la voir s’en aller en vacan-