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LA CHASSE AUX LIONS

lions ?… C’est bon, c’est bon ; ne vous excusez pas ; nous nous expliquerons plus tard. Où est le gibier ? »

Je lui montrai les lions, qui venaient à nous au grand trot, par la route tracée en forme de V, le long du précipice. En tête courait la lionne toujours vêtue de l’épervier d’Ibrahim, dont elle n’avait pu se dépêtrer malgré tous ses efforts.

Ils étaient encore à trois cents pas de nous. Mais cette fois nous étions en nombre pour les recevoir, car le capitaine Chambard avait eu soin d’amener toute la compagnie, avec une provision de cartouches, et voici comment, ainsi que je l’ai appris plus tard.

Ibrahim, le traître Arbi qui nous avait amenés là pour rattraper son âne et qui ensuite nous avait si vilainement lâchés quand il se vit hors de danger, était de la tribu des Ouled-ben-Ismaïl, qui sont si connus dans tout l’univers, que les Parisiens ne le sont pas davantage. Avec ça, mauvais voisins, toujours en querelle avec quiconque, pour des enlèvements de chevaux, de moutons, de bœufs, de filles, de bestiaux de toute espèce, et pas du tout payeurs d’impôts, excepté le pistolet sur la gorge ou le sabre levé sur la tête.

Justement, une dizaine de jours auparavant, ils avaient préparé un bon coup contre les Beni-Okbah, leurs voisins et nos amis, et ils étaient venus camper à cinq lieues de là pour les surprendre. Ibrahim était un de leurs espions, chargés de savoir si nous étions sur nos gardes et les Beni-Okbah aussi. C’est en faisant cet honnête métier qu’il était venu sans le savoir, avec sa femme, la pauvre Fatma, dans le campement des lions. La femme y resta et fut dévorée ; Ali, le bourricot, eut bien peur, mais enfin nous lui sauvâmes la vie, Pitou et moi, comme on l’a vu ; et le coquin d’Ibrahim se sauva aussi en emmenant le bourricot et se moquant de nous !

Mais voyez comme le bon Dieu arrange toutes les choses !

Au moment où les Ouled-ben-Ismaïl se préparaient à faire leur coup sur les Beni-Okbah, voilà qu’un matin ils s’aperçurent que six vaches leur manquaient. Ils crurent tout d’abord que les Beni-Okbah avertis avaient