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LA CHASSE AUX LIONS

Alors je dis :

« Pitou, le gueux va descendre. Allons chercher nos fusils à la caserne. »

Il me suivit. Nous chargeâmes nos fusils et nous remontâmes jusqu’au bout du village. On n’entendait plus rien, rien de rien, oh ! mais ! ce qui s’appelle rien. Le gueux, qui avait fait peur à tout le monde, ne disait plus rien. Quant aux hommes, aux femmes et aux autres bêtes, ils ne remuaient pas plus que des marmottes en hiver.

Alors Pitou me dit :

« La nuit va venir, Dumanet… Rentrons ! »

Je répondis :

« Pitou, le sergent nous a vus charger nos fusils pour tuer le lion. Si nous rentrons sans l’avoir tué, on dira : « Ce Pitou, ce Dumanet, ça fait de l’embarras ; ça veut tuer les lions comme des lapins, et ça revient au bout d’un quart d’heure ; ça se donne pour des guerriers de fort calibre, et c’est tout bonnement des farceurs, des propres à rien, des rien du tout, des rossards, quoi ! » Et nous serons déshonorés. »

Pitou soufflait comme un phoque, mais il ne disait rien.

Je l’entrepris encore :

« Pitou, ça ne te ferait donc rien d’être déshonoré ?

— Ah ! tiens, ne me parle pas de ça, Dumanet ! Ça me fait monter le sang aux yeux. Déshonorés, moi Pitou et toi Dumanet ! Et la mère Pitou, tu ne la connais pas, mais je la connais, moi ! Et c’est une brave femme, va ! La mère Pitou, qui m’a nourri de son lait quand je ne lui étais de rien. — car ma mère est morte le jour de ma naissance, et mon père, qui s’appelait Pitou, n’était qu’un cousin germain, et il est mort trois mois auparavant en coupant un arbre qui lui tomba sur la tête et le tua raide, — la mère Pitou dirait : « Il s’est déshonoré, mon Pitou, mon petit Pitou que j’aimais tant, que j’avais élevé avec les miens, que je voulais donner en mariage à ma petite Jeanne, quand il serait revenu d’Alger et qu’il aurait pris Abd-el-Kader ! » Ah ! tiens, Dumanet, ce n’est pas beau ce que tu dis là, et si ce n’était pas toi, oh ! si ce n’était pas toi !… »