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LA CHASSE AUX LIONS

— Il s’est sauvé sans se sauver, mon vieux Pitou, comme faisait Abd-el-Kader. Il faisait semblant de se sauver, mais il ne se sauvait pas du tout, le gueux ! Il allait et venait d’Oran à Constantine, en passant tout le long d’Alger, voilà tout.

— Et tu dis qu’à moins de ça nous n’en serons pas quittes et que les camarades croiront que nous sommes des…

— Justement, mon vieux Pitou. Est-ce que tu serais homme à souffrir ça ?

— Moi, Dumanet ? Ah ! tonnerre et tremblement ! tu ne me connais pas ! »

Au contraire, je le connaissais bien. Il ajouta :

« Mais si le lion va et vient, comment le trouverons-nous ? Est-ce que nous allons passer toutes les nuits à l’attendre ? En hiver, les nuits sont froides. »

Je répondis (et c’était l’idée qui avait poussé un quart d’heure auparavant sous mon képi) :

« Ibrahim nous montrera le chemin. »

L’Arabe, qui n’avait rien dit depuis longtemps, répliqua :

« Non !

— Comment, non ! tu ne veux pas venir tuer le gueux qui t’a mangé ta Fatma ? »

Il poussa un soupir et dit :

« Pauvre Fatma ! Elle avait des yeux de gazelle et elle faisait si bien le couscoussou ! »

Puis, après réflexion :

« Mais c’est justement parce qu’il a mangé Fatma que j’ai peur qu’il ne me mange, moi aussi, à mon tour. »

Pitou me dit tout bas :

« Ibrahim a peur qu’il n’ait pris goût à la famille. »

Ça, c’était bien possible.

Je tournai, je retournai l’Arabe de tous les côtés, je ne pus jamais le décider. À la fin je lui dis :