Page:Aubanel - Thore - Recherches statistiques sur l’aliénation mentale faites à l’hospice de Bicêtre.djvu/13

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§ II.

C’est au commencement du règne de Louis XVI que, pour la première fois, des aliénés furent placés à Bicêtre ; encore n’y envoyait-on que les malades déclarés incurables : on ne les traitait alors qu’à l’Hôtel-Dieu, où deux salles leur étaient réservées [1]. Lorsque les bains, les douches et les saignées répétées étaient restés sans efficacité, on jetait dans les loges de Bicêtre ces infortunés condamnés à un éternel oubli. Un chirurgien gagné en maîtrise avait la direction de tout l’hospice. Alors point de médecin spécial ; un surveillant, logé au centre des rues que formaient les cellules, avait le titre de gouverneur des fous. Souvent les moyens de répression les plus barbares étaient mis en usage, et plusieurs d’entre eux en périrent victimes. Pour toute nourriture, une livre et demie de pain leur était donnée ; cette ration était dévorée immédiatement après la distribution, et « une partie du jour se passait ensuite dans une sorte de délire famélique. » (Pinel.)

Aussi la mortalité était excessive : sur 110 aliénés reçus en 1784, il en mourut 57 ; en 1788, le rapport fut de 95 à 151.

Ce qu’on appelle aujourd’hui cinquième division comprenait le sixième et le septième emploi. Un grand bâtiment fort élevé répondait au sixième emploi. Les

  1. La salle Saint-Louis contenait dix lits à quatre personnes, et la salle Sainte-Geneviève, six grands lits et huit petits. « Ainsi, disait Tenon, en pressant bien les fous et lesfolles on aurait à l’Hôtel-Dieu de quoi en placer soixante-quatorze. »