Page:Auber - De la fièvre puerpérale.djvu/44

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femme nouvellement accouchée et celui d’un opéré ? Chez tous deux, dit-il, il y a épuisement nerveux, émotion, douleur ; chez tous les deux, il existe une solution de continuité qui, pour se cicatriser, exige le développement nécessaire d’une fièvre traumatique… Donc, dans l’opinion de M. Cruveilhier, comme dans celle des hippocratistes, la fièvre est un effort salutaire, une réaction nécessaire, un moyen de guérison. M. Cruveilhier ajoute : « Chez les nouvelles accouchées cette fièvre s’appelle fièvre de lait, parce que, en vertu de certaines lois, elle s’accompagne de sécrétion lactée. » Or, nous le demandons, n’est-ce pas là encore de l’hippocratisme et du plus pur ? Reconnaissons donc que la fièvre de lait est une fièvre naturelle qui peut, en dépassant ses proportions ordinaires, revêtir tout à coup un caractère dangereux, tel que celui de la fièvre aiguë des femmes en couches, si bien décrite par les anciens. Reconnaissons encore qu’elle peut, sous certaines conditions de puerpéralité, d’erreurs de régime ou de conduite, et surtout sous l’influence de quelques états épidémiques, se surcomposer d’accidents terribles, mais qu’au fond elle est toujours primitivement physiologique, et qu’elle ne devient pathologique que par ses excès mêmes.

Quant à l’idée malheureuse qu’ont eue M. Cruveilhier et quelques médecins, de comparer la fièvre puerpérale à une fièvre traumatique en tout identique d’espèce et de nature à la fièvre des amputés, nous ne saurions mieux faire que de laisser parler M. le docteur Sales-Girons, qui est quelquefois bien inspiré : « Quoi, dit-il, un fruit qui se détache de la branche quand il est mûr, un enfant qui naît à son terme, serait pour la mère comme une cuisse que le couteau et la scie séparent du tronc de l’homme ! Je sais que la femme est faite pour accoucher avec douleur, paries in dolore ; ce jugement n’est pas périmé, mais de cette douleur que nous sommes contraints d’appeler physiologique, et qui est suivie