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Il y a plus d’acres de terre irrigable dans la vallée du San Joaquin qu’il n’y en a actuellement d’irrigués en Égypte, où l’agriculture nourrit plus de 5 000 000 d’hommes… La superficie que peut irriguer le Sacramento est à peu près égale à celle qu’irrigue le Pô en Italie. La population de la vallée californienne est d’environ 20 habitants par mille carré ; dans la vallée du Pô, elle est de 300, et le long du Nil de 543. Un tel peuplement de la vallée du Sacramento ferait plus que doubler la population actuelle de l’État[1].

Présentement, au lieu d’augmenter, la population de cette vallée californienne diminue. Le blé et l’orge sont les seules récoltes qui puissent mûrir sans irrigation, encore sont-elles à la merci d’une sécheresse prolongée ; et, petit à petit, le sol, toujours planté en blé, en orge, faute d’assollement, s’épuise ; le rendement de la terre diminue, le petit fermier disparaît, les latifundia se développent :

On rencontre des maisons abandonnées que vient occuper un cuisinier chinois quelques jours par saison de labourage, de semaille ou de moisson : il prépare les repas d’hommes embauchés temporairement et qui vivent là roulés dans des couvertures. Il n’y a pas de vie sociale ni de vie saine qui soit possible avec l’isolement qu’impose un tel système de culture[2]

Entre Chico et Willows, dans le nord du Sacramento, nous traversâmes ce qui peut devenir un des plus fertiles districts du continent… Les terres de Lombardie n’étaient pas mieux adaptées à l’irrigation que ne le sont ces terres… Mais, depuis cinquante ans, on y fait pousser sans arrêt des céréales ; on ne peut imaginer une forme d’agriculture plus épuisante. La dernière récolte a été un désastre… Sur les 35 milles que nous avons traversés nous

  1. Op. laud., p. 29.
  2. Op. laud., pp. 163-164.