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Avec de l’organisation, on peut aussi aisément surveiller 10 000 acres de blé que 10 acres. Point de détails à considérer : les semailles, la moisson ; dans l’intervalle une entière liberté… Être fermier, cela va bien quand la terre est chère et que la population est dense, mais cela ne flatte pas l’imagination comme de labourer des champs si vastes qu’il faut un trajet d’un jour pour retourner un seul sillon, ou comme d’employer des charrues à vapeur et de herser avec des attelages de cinq mules. Le coupage, le battage, la mise en sac du grain en une seule opération, voilà une noble besogne et qui rappelle le métier d’éleveur des beaux jours. Le propriétaire d’un ranch était plus qu’un industriel, c’était un monarque. Le cowboy à cheval est un aristocrate ; l’homme qui piétine la boue des champs irrigués, en pleine chaleur d’été, n’est qu’un être misérable et rampant. Le cowboy regarde avec mépris le fossé d’irrigation, symbole d’une besogne méprisée[1].

Ces belles manières d’aristocrates ont toujours encouragé le gâchage de l’eau. Pendant longtemps on songea à s’en débarrasser plutôt qu’à la réserver, sans qu’on se rendît compte qu’en Californie les rivières ont plus de valeur que l’or des collines et le pétrole des vallées : le Sacramento et le San Joaquin servent à la navigation ; les torrents sont indispensables aux mines ; à défaut de charbon, ils sont une source précieuse d’énergie ; captés, ils irrigueront les terres arides. Qu’il s’agisse de l’eau ou de toute autre richesse naturelle, il faut, aux État-Unis, pour que le pouvoir d’un État ou le pouvoir fédéral s’avise de la protéger, qu’un prodigieux gâchage, au caprice des individus, ait d’abord fait scandale.

Maintenant que l’on se rend compte que l’avenir de

  1. Op. laud., p. 32.